Article de PBI Estado Español, traduit par Manon Cabaup
“Si j’ai peur? Mon grand problème est ma peur de ne rien faire alors que mes enfants ont besoin d’un pays différent. Je ne peux pas laisser à mes enfants un pays dans les conditions dans lesquelles se trouve le Honduras aujourd’hui. Nous devons nous battre, parce que mon pays a besoin d’une situation différente. Il a besoin de justice, de démocratie, de liberté d’expression et d’égalité.” Ce sont les mots de la journaliste Dina Meza lorsqu’on l’interroge sur comment elle vit et affronte sa situation de risque. Depuis des années, elle est victime de constantes attaques et menaces. Et pas seulement elle, puisque les membres de sa famille sont également visés.
Dina a commencé son combat pour la défense des droits de l’Homme en 1989, lorsqu’un de ses frères a été séquestré et torturé. En ce temps-là, le Honduras était déjà un pays avec de grandes inégalités sociales et une constante répression de la protestation sociale. Répression qui a continué tout au long des décennies suivantes et qui s’est accrue lors du coup d’État de 2009. Dans ce contexte, les personnes comme Dina Meza, défenseures de la liberté d’expression et du droit à protester face aux injustices, deviennent hautement vulnérables et doivent faire face à une situation de risque permanente.
C’est ainsi qu’il en a été pour elle. Une des situations les plus dures qu’elle a dû affronter a été l’assassinat de son collègue, l’avocat Dionisio Diaz Garcia, en décembre 2006. Ils faisaient tous deux une enquête sur les conditions de travail des gardes d’entreprises de sécurité privée. Durant toute leur enquête, ils ont reçu de multiples menaces à travers des messages téléphoniques, étaient suivis et constamment sous surveillance. En raison de cette situation de risque, la Cour interaméricaine des droits de l’Homme (CIDH) a octroyé à Dina Meza des mesures provisoires de protection en 2006, mais cela ne l’a pas empêchée d’être l’objet d’attaques. Elle a elle-même souligné à diverses reprises que l’État n’appliquait pas ces mesures de protection.
Dina fut également l’objet d’intimidations et de harcèlement en raison de son travail pour les droits humains dans d’autres organisations, où elle a réalisé un travail de défense des droits à la terre et au territoire, des droits du travail ou encore des droits des femmes. Elle a centré une grande partie de son travail de journaliste sur le conflit agraire dans le Bajo Aguan, et tout laisse penser qu’elle a été l’objet de menaces en raison de ses recherches et dénonciations autour de cette problématique.
La situation de Dina n’est pas un cas isolé au Honduras. Selon des chiffres du Commissariat national des droits de l’Homme (CONADEH), en un peu plus de dix ans, 41 morts violentes de journalistes et personnes exerçant la communication sociale ont été enregistrées, des chiffres qui alertent quant à la vulnérabilité de ce corps de métier. Uniquement en 2013, 191 agressions et 11 assassinats ont été enregistrés, selon le rapport 2013 sur la liberté d’expression de C-Libre. L’organisation Freedom House a révélé que le Honduras et le Mexique sont deux des pays les plus dangereux au monde pour les journalistes.
“32 collègues ont été assassinés depuis le coup d’État de 2009, leurs familles sont terrorisées, certains ont laissé des enfants orphelins. Qui va leur dire la vérité lorsqu’ils seront grands? Qui leur expliquera que leur mère ou leur père est mort à cause de son métier de journaliste? La liberté d’expression au Honduras est attaquée dans ses fondements”, a affirmé la journaliste lors d’une audience devant la CIDH sur les assassinats de journalistes et l’impunité au Honduras. A cela s’ajoute le manque d’enquêtes rigoureuses sur ces assassinats de la part des autorités compétentes. Pour Dina, celles-ci se cachent derrière l’argument selon lequel ces morts n’auraient aucun lien avec le travail journalistique des personnes assassinées.
Dina Meza affronte sa situation avec beaucoup d’intégrité. Sûre de ses principes, ni les menaces, ni le harcèlement, ni même l’exil temporaire auquel elle a dû recourir il y a quelques années, n’ont paralysé son activité. “Le dilemme est de savoir si nous nous taisons ou si nous laissons cette situation nous faire taire (…). C’est une décision très délicate car elle touche à toutes les sphères de nos vies, la famille, notre entourage, notre vie, mais si ils arrivent à nous effrayer et à nous paralyser définitivement, cela revient à contraindre notre existence et à rester des esclaves de la peur”, avance Dina avec toute la force de ses convictions.
Et elle résume, convaincue et intègre: “Si je tais la vérité, c’est l’impunité qui gagne”.