Le 20 février, PBI Colombia participait au Séminaire de la Délégation Européenne «Focus sur les droits de l’Homme» à Bruxelles, organisée par le Service européen pour l’action extérieure (SEAE). Le but de cette réunion internationale était de partager les bonnes pratiques et les défis rencontrés par PBI au cours des dix dernières années de travail sur le terrain depuis la mise en place en 2004 des Directives européennes relatives aux défenseur.e.s des droits de l’Homme.
PBI Colombia a ainsi pu partager ses conclusions et analyses avec plus de 100 pays, 5 représentations permanentes de pays membres et des membres du SEAE et de la Commission européenne.
Dans ce cadre, PBI a interviewé plusieurs défenseur.e.s colombiens, mexicains et guatémaltèques. Ces documents vidéo attestent du bilan positif de la mise en places des Directives européennes, puisque la plupart des défenseurs accompagnés ont témoigné avoir pu bénéficier de mesures de protection spécifiques implémentées grâces au Directives (réunions multilatérales, délégations envoyées sur le terrain pour faire l’intermédiaire entre les défenseurs et les autorités locales, observation d’audiences, dialogue avec les gouvernements sur des cas de mise en danger des droits de l’Homme, accompagnements physiques …). Dans tous ces cas, les défenseurs ont jugé les actions liées aux Directives extrêmement utiles.
Cependant la mise en place de ces Directives représente encore des défis en Colombie. Le premier est le fait de faire connaitre ces directives par tous les défenseur.e.s, et ce même dans les endroits les plus reculés et les plus difficiles à atteindre ; ces zones rurales étant, la plupart du temps, des zones à haut risque pour les défenseurs. La seconde action à mettre en place et développer afin de rendre ces directives véritablement efficaces est le suivi des actions lancées par l’UE dans le cadre de ces Directives. En effet, actuellement, le manque de moyens humains permet rarement de mettre en place un suivi précis sur le long terme.
Enfin, l’UE se trouve prise en étau entre ses devoirs de défense des droits de l’Homme et certains intérêts commerciaux, tels que l’exploitation de terres où vivent aujourd’hui des communautés indigènes, l’appui aux mégaprojets d’entreprises européennes …
Tous les défenseur.e.s s’accordent à dire que ces Directives sont essentielles et doivent être renforcées autant que possible.
Ceci est d’autant plus crucial que les menaces contre les défenseur.e.s, et les manifestions de violences en général, ont encore augmenté en 2013 dans le pays.
En effet, les rapports des ONG et organisations internationales font état d’une augmentation de 2,4% du nombre d’agressions contre les défenseurs ente 2012 et 2013; le nombre de ces agressions n’avait pas été aussi élevé depuis 10 ans. Le nombre de menaces et surtout d’assassinats est également de plus en plus préoccupant puis qu’il est passé de 49 enregistrés en 2011, à 69 en 2012, puis 78 en 2013. Selon les défenseurs, les chiffres de 2014 continuent d’augmenter.
Selon le rapport du Bureau de la Haut-Commissaire des Nations unies pour les droits de l’Homme en Colombie présenté le 26 mars 2014, l’une des causes de cette situation est effectivement le «manque de coordination entre les institutions et de volonté politique d’assumer la responsabilité de violations des droits de l’Homme», ainsi que la vulnérabilité des défenseurs qui travaillent aujourd’hui dans des zones rurales difficiles d’accès et où le Haut-Commissariat n’est pas toujours présent.
Le Système d’information sur les agressions contre les défenseurs des droits de l’Homme (Siaddhh) indique que dans 49% des cas, les groupes paramilitaires sont responsables de ces agressions, 32% des auteurs restant des personnes non identifiées, et 15% identifiés comme des membres des forces de sécurité de l’Etat. La guérilla est la source de 4% des cas d’agressions.
Les victimes de cette violence restent principalement les collectifs d’avocats (notamment selon la Procuraduría General de la Nación) ou de journalistes (défendus par la «Fundación para la Libertad de Prensa» (FLIP)), les leaders de la lutte pour la restitution des terres aux communautés déplacées (selon le programme « Somos Defensores », 15 leaders paysans ont été assassinés en 2013 contre 3 en 2012) et les femmes qui aujourd’hui prennent la tête de collectifs de défense des droits sociaux et humains (11 homicides en 2013 contre 6 en 2012).
Dans ce contexte, les élections législatives qui se sont tenues le 9 mars dernier ont vu le Partido de la U de l’actuel Président Juan Manuel Santos obtenir 21 sièges au Congrès, devant le parti d’Alvaro Uribe Centro Democrático-Mano Firme Corazón Grande et le Partido Conservador Colombiano avec 19 sièges chacun. Les personnes pressenties pour occuper les postes de sénateurs au sein du Congrès sont des personnalités historiques fortes dans le paysage politique colombien (l’ex-Président de la République Alvaro Uribe, deux ex-présidents de l’Assemblée nationale…), ce qui selon les analystes, devrait donner un poids accru au Sénat. Cependant, le taux d’abstention (56,5%) et de votes blancs (10,38% pour le Sénat et 12,23% pour la Chambre des représentants) indique le peu de lien entre les élus politiques et leurs électeurs.
Les revendications des communautés et des personnes victimes de violations de leurs droits devront cependant être prises en considération dans les décisions politiques du pays afin de lutter contre l’augmentation continue de la violence.