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Interview de Donny Reyes, défenseur des droits LGBT au Honduras

Interview de Donny Reyes, défenseur des droits LGBT au Honduras

Donny Reyes est le coordinateur général de l’association Arcoiris, une ONG qui défend les droits des personnes LGBT (Lesbiennes, Gays, Bi et Transsexuelles) au Honduras, et qui est accompagné par PBI  depuis 2015. Donny Reyes était en France du 5 au 8 octobre à l’occasion d’une tournée organisée par PBI France pour sensibiliser les autorités et l’opinion publique à la situation de la communauté LGBT au Honduras et aux risques que prennent ceux qui défendent leurs droits.

Quel est le contexte actuel au Honduras ?

Le Honduras est à l’heure actuelle le pays le plus dangereux au monde, avec un taux d’homicide de 68 pour 100 000 habitants. La situation s’est gravement détériorée depuis le coup d’Etat de 2009, puis l’arrivée au pouvoir de l’actuel président Hernandez en 2012. Il a mis en place un nouveau conseil de défense et de sécurité qui réunit les forces armées, le pouvoir judiciaire, législatif, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de séparation des pouvoirs. De nombreux scandales de corruption ont vu le jour à partir d’avril dernier, à la suite de ce qui s’est passé au Guatemala voisin. Depuis, des comités d’indignés ont vu le jour, et chaque vendredi, des manifestations ont lieu contre la corruption, demandant la démission du président et la mise en place d’une commission contre l’impunité, sur le modèle de la CICIG [commission internationale de lutte contre l’impunité au Guatemala].

Quelle est la situation des droits de la communauté LGBT au Honduras ?

La situation est très difficile. Sur les cinq dernières années, on compte plus de 200 crimes de haines, avec une impunité de 97%. Au Honduras la moyenne d’âge des personnes LGBT est de 34 ans. Ayant 40 ans, je suis considéré comme un vieux, j’ai déjà dépassé l’âge moyen. Dans les prisons, la population LGBT est enfermée dans un quartier qui s’appelle « l’île » avec les malades mentaux, les tuberculeux, les séropositifs… Au Honduras, l’homosexualité est encore considérée comme une maladie contagieuse. La prostitution est également très répandue au sein de la communauté LGBT face à l’impossibilité de faire un autre travail au vu du rejet subi par la société.  Les minorités sexuelles se sentent abandonnées par le gouvernement et les institutions. Malgré un discours plus ouvert du pape François, l’Eglise hondurienne reste extrêmement traditionnaliste ; il existe une réelle incitation à la haine de la part de l’Eglise et des médias.

Existe-t-il des lois qui protègent la communauté LGBT ?

Grâce à l’Examen Périodique Universel des Nations unies en 2010, le code pénal s’était enrichi en 2012 d’une loi condamnant la discrimination qui a malheureusement disparu dans le nouveau code pénal pourtant financé par des fonds européen. De plus, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, un délit d’usurpation d’identité a été créé, ce qui menace l’existence des transsexuels. On observe le même recul concernant l’avortement : de deux clauses interdisant l’avortement, on passe à cinq. Alors que les droits LGBT avancent un peu partout dans le monde, notamment en Amérique latine, ils régressent chez nous. On peut d’ailleurs remarquer que quand il y a des avancées dans les autres pays, il y a un retour en arrière au Honduras. Par exemple, en 2005, au moment de la loi sur le mariage pour tous en Espagne, le mariage entre personnes du même sexe a été interdit par la constitution hondurienne. On a également observé à cette période une recrudescence des crimes et des menaces à notre encontre.

Pouvez-vous nous décrire le travail d’Arcoiris ?

Arcoiris est une organisation de défense des droits LGBT, née en 2003, constituée d’une équipe de volontaires. Nous sommes environ 600 adhérents, dont une trentaine est présente chaque jour dans la maison d’Arcoiris. Les membres sont plutôt de la classe sociale modeste, les personnes de classes moyennes ou aisées assumant plus difficilement leur homosexualité au Honduras. Nous menons des actions de sensibilisation, documentons la situation des droits LGBT, mais Arcoiris est avant tout un foyer permettant aux personnes LGBT d’être enfin elles-mêmes, de ne pas avoir à se cacher. Dans ce refuge, on danse, on joue, on rencontre son ou sa petite amie, on a le droit d’être soi-même. A l’extérieur, il faut à nouveau se cacher de ce que l’on est.

Est-il difficile de défendre les droits LGBT au Honduras ?

La lutte pour les droits LGBT est un combat très dangereux : au cours des deux derniers mois, trois défenseurs des droits LGBT ont été assassinés, dont la coordinatrice transsexuelle d’Arcoiris, Ángel Ezequiel Midence. Elle avait 26 ans. L’impact émotionnel de ce genre d’assassinat est très fort sur nous. Tous les directeurs d’Arcoiris ont dû s’exiler à un moment donné à cause des menaces de mort. Une loi de protection des défenseurs des droits humains existe mais c’est la police qui est chargée d’en appliquer les mesures de protection, alors qu’elle est elle-même responsable de 70 % des violations des droits humains sur la population LGBT. L’un des policiers affecté pour la protection de notre maison d’Arcoiris était lui-même responsable d’agressions de personnes de notre association. C’est pourquoi nous préférons la présence d’une policière. L’accompagnement international de PBI propose un mécanisme de protection alternatif, puisque nous ne faisons pas confiance au mécanisme de protection de l’Etat. Au début, le rôle de PBI n’était pas très clair pour nous : que pouvaient nous apporter ces volontaires ? Très vite nous avons compris qu’ils nous apportaient déjà une présence humaine, un soutien à nos côtés, la sensation que l’on n’est plus seul, que des gens s’intéressent à nous. Un soutien qui n’a pas de prix. Leur présence avec des tee-shirts PBI attire l’attention et crée une forme de protection.

Qu’est-ce qui vous motive à continuer le combat?

Mille raisons. J’ai beaucoup souffert, j’ai subi le rejet de ma famille, l’exil aux Etats-Unis, en Allemagne, j’ai souffert de nombreuses attaques, d’abus sexuel, de la prison, d’intimidations. J’ai connu tout ce qu’on pouvait connaître de pire, je n’ai plus rien à perdre. Ces souffrances m’ont renforcé, donner l’envie de me battre. L’exil est une option, mais si tout le monde fuit le pays, que laisse-t-on au final ?

 

Rencontre avec Etienne Lesage, spécialiste des droits des personnes LGBTI