Entre 1958 et 1974, période dite du Front National, le Parti Conservateur et le Parti Libéral s’étaient mis d’accord pour se partager le pouvoir. C’est précisément à ce moment là que sont apparues les FARC. Ce manque d’ouverture démocratique se maintient sous diverses formes encore aujourd’hui. Par le passé, plusieurs tentatives de paix ont eu lieu avec différentes guérillas (FARC, ELN, M- 19 notamment). Leur réinsertion civile et leur participation politique faisaient déjà partie des points soulevés mais n’ont jamais réellement eu lieu. L’assassinat de 4 candidats à la présidentielle de 1990 rappelle le degré de violence politique en Colombie et la méfiance des opposants. La répression et la « guerre sale » contre les secteurs « alternatifs » n’ont jamais cessé. Le cas de l’Union Patriotique en est un exemple tragique ; ce parti issu du processus de paix de 1984 a vu 3 000 de ses membres assassinés.
CHIFFRES CLES
13 partis politiques enregistrés auprès du Conseil national électoral.
En 2015, 10 000 prisonniers détenus pour des motifs politiques en Colombie (Source : Fundacion por la solidaridad y la defensa).
577 agressions et 51 assassinats contre des défenseurs des droits humains (2015).
6 528 cas de victimes de l’Union Patriotique (homicides, disparitions, tortures, exil, déplacements, détentions arbitraires) ont été présentés à l’Etat pour être reconnus.
Qu’est ce qui a été négocié sur ce point entre les FARC et le gouvernement ?
Le préaccord, officialisé le 6 novembre 2013, ambitionne d’engager une véritable «ouverture démocratique pour construire la paix », avec la mise en place de garanties fondamentales pour l’exercice de l’opposition politique en général et plus particulièrement pour les nouveaux mouvements qui émergeraient à la suite de la signature de l’accord final. Sont prévus :
- L’élaboration d’un « statut de l’opposition » représentant un ensemble de garanties à la fois aux partis politiques mais également aux mouvements sociaux. Ce volet prévoit, pour les combattants démobilisés, un « système de sécurité pour l’exercice de la politique » et, pour les mouvements sociaux une « Loi de garanties » qui reste à élaborer en concertation avec eux ;
- La création de « circonscriptions transitoires spéciales de paix » dans les régions les plus touchées par le conflit, favorisant la représentation de mouvements sociaux à la Chambre des députés ;
- La mise en place, au niveau national et local, de « Conseils pour la réconciliation et la coexistence », chargés d’aider les autorités à promouvoir le vivre ensemble ;
- Un accès facilité aux médias pour les secteurs d’opposition et la création d’une chaîne de télévision institutionnelle pour les partis politiques ;
- Une aide financière accordée par l’Etat pour la création de nouveaux partis politiques.
Qu’est ce qui a été négocié sur ce point entre les FARC et le gouvernement ?
S’il ne constitue pas un changement « révolutionnaire » mais simplement une série de mesures destinées à assurer des garanties politiques minimales, ce préaccord représente toutefois un espoir pour la démocratie, ouvrant peut-être la voie à la nécessaire émergence d’une nouvelle culture politique en Colombie. Pour concrétiser ces espoirs en avancées démocratiques réelles, il est nécessaire d’aller plus loin et de prendre en compte plusieurs problèmes en suspens :
- Les mesures de protection ne sont pas encore déterminées concrètement. Celles prises par le passé n’ont pas mis fin aux menaces et aux assassinats de leaders sociaux et d’opposants, ce qui fait craindre la persistance d’un risque toujours élevé pour l’exercice d’une opposition politique dans de nombreux territoires ;
- Il n’y a pas de mesures concrètes pour mettre fin à l’existence des groupes paramilitaires. Leur assimilation, dans le discours gouvernemental et médiatique, à des « bandes criminelles », empêche une lecture politique du phénomène. Or, ces groupes sont les principaux responsables de la violence contre les opposants politiques ou les défenseurs des droits humains, et sont bien souvent au service des élites économiques et politiques locales. De plus, il existe le risque qu’ils prennent le contrôle de zones d’influence des FARC après la démobilisation de ces derniers ;
- Les autorités continuent de stigmatiser régulièrement les expressions de protestation sociale et plusieurs opposants font l’objet de poursuites susceptibles d’être motivés par des raisons politiques ;
- La question des éventuels « quotas » de sièges pour les FARC au Parlement reste à régler et suscite beaucoup de réticences au sein de la population ;
- La phase publique des négociations avec l’ELN n’a toujours pas commencé et laisse donc craindre un processus de paix incomplet.